L'Organisation mondiale du commerce est-elle en mesure de relever le défi et de donner la priorité à l'environnement lors de la CM13 ?
L'OMC est confrontée au défi imminent de donner la priorité structurelle aux questions environnementales afin d'éclairer les travaux futurs sur la question. Ieva Baršauskaitė analyse les subtilités des discussions sur le commerce et l'environnement tenues jusqu'à présent à l'OMC, des subventions aux combustibles fossiles aux plastiques, en passant par le Comité du commerce et de l'environnement.
Si des personnes extérieures commençaient à lire les notes d’information des ministres du commerce sur l’état d’avancement des différents domaines de discussion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’on comprendrait qu’elles se sentent désorientées par les conversations sur le commerce et l’environnement/le changement climatique qui ont eu lieu, et par celles qui n’ont pas eu lieu, au cours des deux dernières années.
Les fonctionnaires du commerce en charge de ce portefeuille ont sans doute connu l’une des périodes les plus chargées de leur vie professionnelle, courant sans cesse entre les réunions des différentes initiatives et discutant de manière informelle des nombreuses questions relevant de l’écologie. Et pourtant, toutes ces réunions ne semblent pas avoir abouti à une grande convergence, même sur l’idée de base de la manière dont ces conversations devraient être menées à l’OMC.
Décortiquons quelques-unes des complexités liées à la revitalisation des discussions sur le commerce et l’environnement à l’OMC et les défis auxquels elles sont confrontées, à commencer par les discussions les plus ciblées pour aller vers les plus larges, à la fois en termes de questions et de membres impliqués.
La réforme des subventions aux combustibles fossiles
Le prix de la conversation constructive la plus inattendue de l’année revient sans conteste à la réforme des subventions aux combustibles fossiles, une coalition de 48 membres qui a réussi à structurer une grande discussion autour de la nécessité et de la complexité de l’élimination de certaines subventions aux combustibles fossiles. Ce sujet, qui aurait été inimaginable il y a quelques années, a engrangé un soutien assez robuste de la part des membres. Sous la houlette habile de la Nouvelle Zélande, ces discussions ont commencé à entrer dans le détail des différentes catégories de subventions aux combustibles fossiles, des aspects sociaux et économiques des réformes, ainsi que du sujet très pertinent des mesures prises à la lumière des crises énergétiques.
Ces discussions ont commencé à entrer dans le détail des différentes catégories de subventions aux combustibles fossiles, des aspects sociaux et économiques des réformes, ainsi que du sujet très pertinent des mesures prises à la lumière des crises énergétiques.
Aucune discussion sur les subventions ne serait complète sans les réflexions nécessaires à l’amélioration de la transparence et de la compréhension des quantités et de la structure de ces mesures. Il semble que la réforme des subventions aux combustibles fossiles ait également porté sur ce point, à la fois par le biais de discussions entre les membres sur leurs propres mesures, mais aussi sur les approches futures potentielles qui pourraient renforcer la transparence à l’avenir. Le groupe a déjà commencé à discuter des étapes futures qui pourraient être approuvées par les ministres lors de la treizième Conférence ministérielle de l’OMC (CM13).
Le dialogue sur la pollution par les plastiques et le commerce des plastiques écologiquement durable
Le Dialogue sur la pollution par les plastiques et le commerce des plastiques écologiquement durable (DPP) est une autre initiative assez étroitement ciblée qui a tenu ses 76 membres très occupés. Élaborant son programme de travail parallèlement aux travaux du Comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique (CIN), le DPP a cherché des moyens de mener ses activités en complément des négociations multilatérales en cours, même si cela signifiait parfois se concentrer délibérément sur l’acquisition de connaissances plutôt que sur des activités axées sur l’action. Bien que cela ait pu décevoir ceux dont les attentes étaient plutôt élevées suite à la déclaration ministérielle du 10 décembre 2021 promettant « des résultats concrets, pragmatiques et efficaces ... au plus tard pour la [CM13] », l’approche prudente de l’initiative a probablement donné confiance à ceux qui s’inquiétaient de son chevauchement potentiel avec le CIN.
Le DPP a cherché des moyens de mener ses activités en complément des négociations multilatérales en cours, même si cela signifiait parfois se concentrer délibérément sur l’acquisition de connaissances plutôt que sur des activités axées sur l’action.
À l’avenir, un défi important pour l’initiative pourrait être non seulement de trouver comment mieux équilibrer ces sensibilités, mais aussi de trouver un moyen d’insérer ses enseignements dans le processus du CIN, soutenant ainsi les négociateurs qui y participent. Parmi les sujets clés couverts par le DPP, de nombreuses conversations pertinentes se dérouleront dans le cadre du CIN en 2024, par exemple sur les listes ou catégories potentielles de plastiques problématiques, de produits chimiques nocifs ou de polymères spécifiques, ainsi que sur les questions d’une meilleure conception en vue d’une plus grande circularité ou d’une durée de vie prolongée des produits. Le résumé de certaines discussions utiles sur la complexité des produits de substitution et de remplacement peut également aider les négociateurs du CIN, qui examineront le problème de la pollution par les plastiques sous tous les angles.
Les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale
Si l’on considère l’ampleur et la complexité des conversations, les Discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale (TESSD) l’emportent. Au cours des deux dernières années, une coalition de 75 membres a élaboré un plan de travail robuste réparti entre quatre groupes de travail et couvrant toutes les questions que le Comité du commerce et de l’environnement (et d’autres organes de l’OMC) n’a même pas été en mesure d’inscrire à son ordre du jour. Des ajustements carbone aux frontières et des subventions vertes à la libéralisation tarifaire pour les biens environnementaux, en passant par l’importance de la circularité pour les matières premières critiques, les participants aux TESSD ont réellement amélioré la façon dont le commerce et l’environnement sont discutés à l’OMC et ont même introduit le langage du « changement climatique » dans les salles de réunion de l’OMC (ce qui aurait été absolument impensable il y a seulement quelques années). Bien entendu, rien de tout cela n’est dû à la simple bonne volonté des membres de l’OMC. Les ordres du jour des TESSD ont été soigneusement gérés afin d’équilibrer les intérêts et les sensibilités de leurs participants, et leur ambition a été adaptée à celle de leurs membres les plus prudents.
L’esprit d’ouverture et la volonté d’improviser et d’enfreindre certaines règles ont fait des TESSD le véritable point de convergence pour toutes les questions relatives à l’environnement et au changement climatique à l’OMC.
L’esprit d’ouverture et la volonté d’improviser et d’enfreindre certaines règles ont fait des TESSD le véritable point de convergence pour toutes les questions relatives à l’environnement et au changement climatique à l’OMC. Pourtant, le groupe a précisé à plusieurs reprises qu’il ne s’agissait pas d’un forum de négociation ou de prise de décision, et que toute attente devait être calibrée en fonction de ses éventuels résultats. Compte tenu de cela et de l’appétit de certains membres de l’OMC pour aborder au moins quelques-uns des grands sujets des TESSD dans le cadre du forum multilatéral, il sera assurément important de surveiller la prochaine déclaration ministérielle des TESSD et son ambition, mais aussi de lire les résultats de la CM13 en la matière lorsqu’ils seront enfin publiés.
Le Comité du commerce et de l’environnement
L’organe de l’OMC dont le mandat est « l’identification et à la compréhension des relations entre le commerce et l’environnement, de manière à promouvoir le développement durable » a été mentionné dans le document final de la CM12 comme l’« instance permanente consacrée au dialogue entre les Membres sur la relation entre les mesures commerciales et les mesures environnementales ». Depuis lors, les membres de l’OMC semblent avoir pris des mesures pour relancer les discussions multilatérales sur le changement climatique et le développement durable.
Les semaines du commerce et de l’environnement organisées annuellement par le secrétariat de l’OMC – sur le modèle de certaines sessions des TESSD et du très populaire Forum public de l’OMC – ont offert aux membres de l’OMC la possibilité de s’engager davantage dans des événements de renforcement des connaissances. Pourtant, le Comité du commerce et de l’environnement (CCE) n’a toujours pas entamé de discussions sur des sujets spécifiques (et sensibles !). Le véritable défi pour le comité sera de prouver qu’il peut non seulement inscrire des points à l’ordre du jour, mais qu’il peut également aborder des sujets émergents importants plutôt que de se contenter d’examiner certaines mesures individuelles qui sont déjà discutées par d’autres organes de l’OMC, même si elles posent problème à de nombreux membres.
Le véritable défi pour le comité sera de prouver qu’il peut non seulement inscrire des points à l’ordre du jour, mais qu’il peut également aborder des sujets émergents importants.
En particulier, pour apporter une valeur ajoutée aux conversations en cours, le CCE devra trouver un moyen de structurer ses discussions sur des sujets brûlants tels que les ajustements carbone aux frontières, les mesures liées à la déforestation, l’impact environnemental des grands programmes de subvention ou la manière d’augmenter la production d’infrastructures d’énergie renouvelable pour répondre à l’urgence des besoins en matière d’atténuation du changement climatique, d’une manière qui non seulement renforce les connaissances, mais qui soit également axée sur l’action ou sur la coopération internationale. Il s’agit là d’un défi de taille pour le comité qui, jusqu’à récemment, était fréquemment contesté par ses propres membres chaque fois qu’un sujet lié de près ou de loin au « changement climatique » figurait à son ordre du jour.
Lorsque les ministres du commerce se réuniront aux Émirats arabes unis pour la CM13 le mois prochain, la plupart des sujets déjà discutés dans au moins l’un des forums mentionnés ci-dessus seront probablement présente dans leur esprit. Le véritable défi pour l’OMC sera non seulement d’oser inscrire l’environnement parmi les domaines prioritaires des travaux futurs, mais aussi de veiller à ce que les membres s’accordent sur l’architecture de ces travaux, puis d’utiliser chacun de ces forums au maximum de son potentiel pour contribuer à l’avancement de ces travaux importants.
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